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Se sentir perdu

J’ai récemment regardé « the graduate », un film classique avec Dustin Hoffman, et une scène en particulier m’a interpellé.

Dans cette scène, Benjamin, le personnage de Dustin Hoffman, est vu en train de se laisser à la dérive dans une piscine en buvant de la bière.

Son père le croise et lui demande : « Ben, qu’est-ce que tu fais ? ».

Ben répond en disant : « Eh bien, je dirais que je me laisse aller à la dérive. Ici, dans la piscine. »

Son père lui demande alors : « Pourquoi ? »

Ben répond : « Eh bien, c’est très confortable de rien faire et de se laisser porter par le courant. »

Il est important de mentionner que le personnage de Ben vient d’obtenir son diplôme universitaire et que, n’ayant aucune idée de ce qu’il va faire ensuite, a décidé de revenir chez ses parents.

Cette scène dépeint quelqu’un qui est perdu dans la vie, quelqu’un qui ne sait pas quoi faire de sa vie. Quelqu’un qui trouve du réconfort dans cet état perdu et qui préfère rester dans un tel état que de faire quelque chose pour y remédier.

Je me suis alors demandé combien d’entre nous se sont sentis perdus à un moment ou à un autre de leur vie, ou se sentent actuellement perdus et sans direction ? Combien d’entre nous ont cessé de se sentir enthousiastes et motivés pour affronter leur journée ? Combien d’entre nous sont en burn-out et n’en sont pas conscient.e.s ou ont trop peur de l’admettre ?

En effet, nous avons tendance à oublier que nous ne sommes que des êtres humains et que nous ne pouvons pas tout supporter.
Parfois, nous sommes mentalement fatigué.e.s et notre cerveau veut qu’une seule chose : se reposer.

Nous assumons plus de tâches et de responsabilités que notre corps ne peut en supporter et, naturellement, nous ne savons plus comment les remplir et, comme nous avons du mal à accomplir nos tâches, nous commençons à nous blâmer et à penser que nous ne sommes pas assez bons. Nous commençons alors à détester ce que nous faisons (nous avons l’impression qu’il s’agit plutôt d’une corvée, d’une chose dont il faut se débarrasser et non d’une chose qui nous passionne), ce qui nous démotive et nous épuise physiquement et mentalement.

Il est donc normal que notre corps et notre cerveau appellent à l’aide.
Il est normal aussi que dans un tel état nous soyons incapables de prendre des décisions vu que notre capacité décisionnelle est épuisée.

Nous ne nous sentons même plus en phase avec notre propre corps, nous ne savons plus qui nous sommes, ni ce que nous voulons, ni ce en quoi nous sommes bons… Une phrase prononcée par le personnage d’Audrey Hepburn dans le film emblématique « Breakfast at Tiffany’s » résume ce sentiment et s’énonce ainsi : « J’ai l’impression de m’être perdue et je ne sais pas où je me cache. »

Comment nos corps réagissent-ils quand nous disons « nous nous sentons perdus » ? Nous nous sentons effrayé.e.s, déséquilibré.e.s et certains associent le mot « peur » au mot « faiblesse » : « j’ai peur, donc je suis faible, » alors que cela ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Il faut en effet beaucoup de courage pour admettre que nous avons peur. Il faut beaucoup de courage pour être vulnérable avec soi-même et avec les autres.

C’est pourquoi nous avons tendance à réprimer tous les sentiments qui révèlent notre côté vulnérable : ces sentiments sont connus sous le nom « d’émotions froides » car il s’agit d’émotions qui sont enfermées dans notre for intérieur et ne remontent que rarement, voire jamais, à la surface. Les émotions exprimées ouvertement, telles que la colère, la joie, etc., sont appelées « émotions chaudes », car elles remontent à la surface et se reflètent dans notre langage corporel et nos paroles.

Lorsque nous sommes dans cet état de sidération, nous sommes dans un état de vulnérabilité extrême, toute personne qui s’approche de nous et se place en position ascendante est perçue comme un agresseur, quelqu’un qui vient nous critiquer et nous faire du mal. Cet état de vulnérabilité nous rend extrêmement sensibles aux paroles, aux actes et aux regards des autres. Connaissez-vous la réaction « fight-fly-freeze » ? C’est une réaction physiologique qui se produit en réponse à un événement perçu comme nuisible, à une attaque ou à une menace. Eh bien, nous nous trouvons dans l’état « freeze ». Nous sommes paralysé.e.s : nous ne pouvons ni agir ni réagir. Nous ne savons même pas comment agir et réagir. Nous ne pouvons même pas nous résoudre à sortir de cet état et à trouver une solution.

Et honnêtement, lorsque nous sommes dans un tel état, il est facile pour les autres de nous dire de « sortir de là » et de « faire quelque chose ». Facile mais pas faisable. Nous ne pouvons pas faire cela, notre corps ne nous le permet pas et nous devons l’écouter. Lorsque nous sentons que nous sommes au bord de l’effondrement mental ou d’un burn-out, la seule chose que nous pouvons prendre est de prendre du recul et de nous donner la possibilité de respirer et de faire une pause.

Lorsque nous sommes dans un état de vulnérabilité, ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de confort, de compassion et de repos.

Et lentement, nous nous reconstruisons, nous identifions ce qui nous fait du bien et ce qui n’en fait pas, ce qui nous déclenche et ce qui ne le fait pas, ce que nous aimons et ce que nous n’aimons pas…

Enfin je vous laisse avec cette citation de l’écrivain Mitch Albom :

« Vous pouvez ressentir le monde entier tout en vous y sentant perdu. Tant de gens souffrent, même s’ils sont intelligents ou accomplis, ils pleurent, ils aspirent, ils ont mal. Mais au lieu de regarder vers le bas, ils regardent vers le haut, et c’est là que j’aurais dû regarder aussi. Parce que lorsque le monde s’apaise au son de votre propre respiration, nous voulons tous les mêmes choses : du réconfort, de l’amour et un cœur en paix. »